UN SAGE, QU’EST-CE QUE C’EST ?
Contents
Le système français de gestion de l’eau trouve sa source en 1964 avec la première loi sur l’eau. Celle-ci introduit la notion de bassin versant et définit six grands bassins hydrographiques gérés par des comités de bassin et des Agences de l’eau.
En 1992, une nouvelle loi sur l’eau crée deux outils de gestion concertée des eaux : les SDAGE (schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux) à l’échelle des six grands bassins hydrographiques français et les SAGE (schéma d’aménagement et de gestion des eaux) à l’échelle des bassins versants locaux.
En 2000, la Directive-cadre sur l’eau (DCE) insuffle une nouvelle ambition à la gestion de l’eau : passer d’une logique de moyens à une logique de résultat dans un délai donné. Elle fixe comme objectif central l’atteinte du bon état écologique et chimique de tous les milieux aquatiques de l’Union européenne en 2015. Elle introduit également de nouvelles notions en précisant que cette qualité n’est plus seulement évaluée à partir d’analyses physico-chimiques, mais aussi à partir de facteurs biologiques et hydromorphologiques.
La loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) de 2006 constitue la transposition de la DCE en droit français. En posant les conditions nécessaires pour atteindre les objectifs fixés par la DCE, elle renforce notamment les SAGE.
Concrètement, un SAGE…
C’est un dispositif de planification et de gestion de la ressource en eau et des milieux aquatiques à l’échelle d’une unité hydrographique cohérente (bassin versant, aquifère). Il fixe des objectifs généraux d’utilisation, de protection quantitative et qualitative de la ressource en eau.
Mais pas seulement… Depuis la LEMA, la portée juridique du SAGE est renforcée: les documents d’urbanisme – Scot et PLU – doivent être compatibles avec ses dispositions. Mais le règlement du SAGE est aussi désormais directement opposable aux tiers, publics ou privés, pour tout ce qui touche aux installations, ouvrages, travaux et activités définis dans la nomenclature eau.
Au quotidien, comment fonctionne un SAGE ?
Il s’agit principalement de donner, à l’échelon local, la responsabilité de la gestion de l’eau sur le territoire.
Pour ce faire, la loi confie l’élaboration du SAGE à une Commission locale de l’eau (CLE) composée d’élus, de représentants des usagers – riverains, consommateurs, pêcheurs, associations de défense de l’environnement, industriels, agriculteurs… – et des services de l’État et de ses établissements publics. Le principe de base est d’accorder au moins la moitié des sièges aux élus et au moins 25 % aux représentants des usagers.
La CLE définit les enjeux et les objectifs. C’est l’organe décisionnel en charge du portage politique et du pilotage du SAGE. Elle est responsable de la mise en place et du suivi des prescriptions du SAGE.
En revanche, la CLE n’étant pas dotée de la personnalité juridique, elle n’a pas vocation à porter des actions. L’exécution sur le territoire est du ressort des maîtres d’ouvrage existants.
Comment se présente un SAGE ?
Un SAGE est constitué de deux documents principaux :
• Le Plan d’aménagement et de gestion durable (PAGD) de la ressource en eau et des milieux aquatiques qui définit les objectifs du SAGE, les conditions de réalisation de ces objectifs et les moyens nécessaires à la mise en oeuvre du schéma.
• Le Règlement et ses annexes cartographiques qui fixent les règles de répartition de la ressource en eau et les priorités d’usage. Règlement et annexes cartographiques sont juridiquement opposables aux tiers.
QUELLE EST LA PORTEE JURIDIQUE DU SAGE ?
Les deux documents principaux du SAGE, le PAGD et le règlement, sont pourvus d’une portée juridique différente :
• Le PAGD est opposable aux décisions administratives : toute décision prise par l’autorité administrative doit être compatible avec le SAGE. De même, les documents d’urbanisme (Schémas de Cohérence Territoriaux, Plans Locaux d’Urbanisme, Cartes Communales) ainsi que les Schémas Départementaux des Carrières doivent être compatibles ou rendus compatibles avec lui,
• Le règlement est opposable à l’administration, mais également directement aux tiers. Toutes décision prise doit être conforme avec le règlement du SAGE, et tout manquement au respect de ces règles peut faire l’objet d’une sanction pénale.
Compatibilité et conformité
Compatibilité
Si la notion de compatibilité n’est pas précisément définie par la loi, la doctrine et la jurisprudence montrent qu’un projet est compatible avec un document de portée supérieure lorsqu’il n’est pas contraire aux orientations ou aux principes fondamentaux de ce document et qu’il contribue, même partiellement, à leur réalisation. Moins contraignante que la conformité, la compatibilité exige qu’il n’y ait pas de contradiction majeure vis-à-vis des objectifs généraux du SAGE. Elle tolère une marge d’appréciation par rapport à son contenu.
Exemple : le PLU (norme inférieure) ne doit pas définir des options d’aménagement ou de destination des sols qui iraient à l’encontre ou contrarieraient les objectifs du SAGE, sous peine d’encourir l’annulation pour illégalité. Ainsi, un PLU qui classerait en zone constructible et autoriserait, sans condition ou restriction, les constructions dans une zone d’expansion de crues, alors que le SAGE (norme supérieure) a comme objectif la protection des zones d’expansion de crues, serait jugé incompatible.
Conformité
L’obligation de conformité requiert une adéquation étroite entre les documents et les décisions, elle exclut la moindre contradiction. Elle ne laisse aucune possibilité d’interprétation. Les projets (IOTA – Installations Ouvrages Travaux Activités) relevant de la »nomenclature eau » doivent être conformes. Ils doivent respecter scrupuleusement toutes les prescriptions du règlement du SAGE.
Exemple : l’autorisation d’un pétitionnaire obtenue au titre des IOTA pour la réalisation de travaux de recalibrage ou de rectification d’un cours d’eau pourra être attaqué devant le tribunal administratif au motif qu’elle n’est pas conforme avec le règlement du SAGE. L’arrêté préfectoral autorisant ces travaux pourra également être attaqué devant le tribunal administratif pour le même motif.